Aller plus loin des contraintes réglementaires : La compensation des gaz à effet de serre volontaire

Par Antonia Andúgar

En décembre 2015, 195 états signèrent l’Accord de Paris, dont le but est de prolonger la lutte contre les changements climatiques au-delà des engagements pris sous le protocole de Kyoto qui s’acheva à la fin 2012. L’Accord a été l’aboutissement d’un processus durant plusieurs années de discussions et négociations, et a mis fin aux frustrations des uns et à l’inaction des autres, du moins sur le papier. Les retombées médiatiques et la répercussion de l’implication de la société civile ont égalé l’impact politique (et certainement économique qui en découle) de l’accord désiré. Le processus de longue haleine qui avait honteusement échoué à la COP15(1) en 2009 à Copenhague (Danemark), prend enfin forme tangible six ans plus tard.

L’accord de Paris a été défini comme «un pont jeté entre les politiques actuelles et l’objectif de neutralité climatique fixé pour la fin du siècle». Il apporte cinq grands champs d’action complémentaires sous lesquels les pays ont convenu une série de mesures:

  • Réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES)(2) qui sont les gaz qui contribuent nettement au réchauffement climatique qui cause déjà de terribles conséquences: poursuivre les efforts pour limiter la hausse des températures à 1,5°C, et sur le long terme, contenir l’élévation de la température de la planète en dessous de 2°C.
  • Transparence et bilan global entre les pays pour une échange d’information entre eux et au public sur les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs.
  • Le renforcement de la capacité à faire face aux conséquences du changement climatique (adaptation) et du soutien international aux efforts des pays en développement.
  • La nécessité de coopérer dans différents domaines, tels que les systèmes d’alerte précoce et la préparation aux situations d’urgence afin de réduire les pertes et dommages.
  • La reconnaissance du rôle des acteurs non étatiques dans la lutte contre le changement climatique : l’accord invite les villes, les régions et les autorités locales à accroître leurs efforts et à soutenir les actions visant à réduire les émissions, à renforcer leur résilience et à réduire leur vulnérabilité, et à soutenir et promouvoir la coopération régionale et internationale.

En définitive, l’Accord légitime une fois de plus l’approche «Penser global, agir local»(3), et redonne l’espoir à une société civile désenchantée et inquiète pour l’avenir des générations futures.

Mais, trois ans après : est-ce que cela a inspiré les actions des gouvernements et en occurrence des acteurs économiques ? Où en est la société civile ? Aux termes de l’Accord de Paris, le Canada s’est engagé à réduire d’ici 2030 ses émissions de GES de 30 % comparativement aux niveaux de 2005. Dans ce cadre, le Québec a montré une plus grande ambition et a fixé un cible de réduction de 20% sous le niveau de 1990 pour 2020, suivi d’une cible de réduction de 37,5 % sous le niveau de 1990 à atteindre en 2030. Ces cibles seront atteintes par la mise en ouvre du Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques du gouvernement fédéral(4) et du Plan d’action 2013-2020 sur les changements climatiques (PACC 2013-2020) du gouvernement du Québec(5).

Ces vastes cadres vont offrir un éventail de mesures et de lignes directrices pour mener des actions efficaces de réduction des émissions de GES tout en stimulant l’économie et en renforçant la résilience aux changements climatiques. Ces mesures et actions prennent multiples formes:

  • forme réglementaire, par exemple dans le domaine de la production pétrolière et gazière (contributrice du 26% de GES au Canada)(6) ou dans la tarification du carbone, par exemple le système de plafonnement et d’échange de droits d’émission (SPEDE) du Québec couvrant les secteurs les plus émetteurs (transports, l’industrie et les bâtiments)(7);
  • forme volontaire, qui permet une compensation des émissions de GES et qui montre des initiatives entamés par des entreprises, associations ou encore collectifs sociaux.

Cette forme de compensation de GES volontaire gagne progressivement l’adhésion d’entrepreneurs conscients des enjeux et du potentiel de leur contribution dans la réduction des émissions de GES, au même temps que les demandes des citoyens et citoyennes sont de plus en plus présentes: un environnement plus protégé et plus
propre, une consommation plus responsable, un transport moins polluant, un développement économique durable qui aille de pair avec un développement social et environnemental, une détermination plus honnête et forte de la communauté politique, et un engagement de l’industrie et des secteurs économiques plus visible et porteur de changements plus globaux.

De là sont nées de multiples initiatives marquées pour une prise de conscience croissante des entreprises et compagnies. La réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) sont issus de tous les aspects de nos activités quotidiennes : la production de denrées alimentaires que l’on consomme , le déchets que l’on génère à la maison, au bureau ou à l’école , le transport que qui nous amène au travail au à notre destination de vacances , les habits et accessoires que l’on porte et qui nous font sentir «à la mode», notre choix de fournisseurs (services, produits), et une longue liste qui continuerait. Par conséquent, la compensation volontaire des émissions de GES s’ajoute aux mesures réglementaires qui affectent les secteurs les plus polluants dans la lutte contre les changements climatiques.

Dans le cas du Québec, le Conseil québécois des événements écoresponsables (CQEER), chapeauté par le Réseau des femmes en environnement, est un magnifique exemple d’organisme à but non-lucratif qui accompagne ces entreprises ou associations, dans ce cas dans le domaine de l’organisation d’événements, désireuses de devenir plus durables(8). L’approche durable peut s’intégrer parfaitement dans chaque étape de l’organisation d’un événement, et ce, dès le début de la planification. En débutant par une analyse de la situation actuelle et l’évaluation des impacts majeurs potentiels, un événement écoresponsable vise donc à réduire les répercussions négatives sur l’environnement et à augmenter les retombées positives sur le plan social et économique. Parmi les avantages liés à l’organisation d’un événement écoresponsable on peut souligner la réduction des impacts sur l’environnement, en particulier la surconsommation de ressources ainsi que la génération de déchets et de GES, et la sensibilisation des participants, des fournisseurs et des partenaires.

En somme, l’adhésion des entrepreneurs à cette initiative du Réseau de femmes en environnement a un potentiel non négligeable dans la stimulation de l’offre de produits et services écoresponsables tout en contribuant au rôle social de l’organisation ou de l’entreprise, et améliore par le fait même son image auprès des médias, des participants et partenaires. L’organisation d’événements écoresponsables s’inscrit définitivement dans le nouveau courant qui encourage la compensation des GES volontaire.

 

Sources et commentaires:

  1. La COP ou “Conférence des Parties” est l’organe supréme de certaines conventions internationales, comme la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques, la CCNUCC (UNFCCC en anglais). Ces conférences ont lieu une fois par an et réunissent tous les représentants des Parties de la Convention (états signataires), ainsi que les acteurs nonétatiques comme les collectivités territoriales, les ONG ou encore la communauté scientifique. Ces COPs évaluent les résultats des mesures prises par chaque état signataire, ainsi que l’avancée globale vers les objectifs fixés.
  2. Les gaz à effet de serre (GES) sont des composants gazeux qui absorbent le rayonnement infrarouge émis par la surface terrestre et contribuent à l’effet de serre. L’augmentation de leur concentration dans l’atmosphère terrestre est le facteur principal à l’origine du réchauffement climatique et certains, comme le dioxyde de carbone, sont principalement produits par l’activité humaine. Les GES principaux sont le vapeur d’eau, le dioxyde de carbone, le méthane, le protoxyde d’azote et l’ozone.
  3. Formule preconisée par René DUBOS (1901-1982), agronome, biologiste et écologue français émigré aux Etats-Unis qui a participé aux travaux préparatoires du premier Sommet de la Terre à Stockholm en 1972.
  4. https://www.canada.ca/fr/services/environnement/meteo/changementsclimatiques/cadrepancanadien.
    html
  5. http://www.environnement.gouv.qc.ca/changementsclimatiques/plan-action-fonds-vert.asp
  6. Règlement sur la réduction des rejets de méthane et de certains composés organiques volatils (secteur du pétrole et du gaz en amont) (DORS/2018-66) au niveau fédéral.
  7. http://www.environnement.gouv.qc.ca/changements/carbone/documents-spede/en-bref.pdf
  8. Le CQEER a mandaté le Bureau de normalisation du Québec de concevoir la norme en gestion responsable d’événements BNQ 9700-253, disponible depuis juin 2010.